Assis sur un rocher en bord de route, je suis seul. Au carrefour de plusieurs chemins, je sais que chacun pourrait m’amener loin ou nulle part. Je sais que certains seront plus durs à parcourir et d’autres seront plus légers, plus amusants. Mais avant de m’y être engouffré, je ne peux savoir où mène le chemin.
Alors, la première étape de mon aventure sera de me lever de cet endroit où je chois paisiblement pour mettre le pied sur l’asphalte. Je pourrais rester indéfiniment dans mon confort et regarder les autres passer dans tous les sens, aller et venir, profiter de ce carrefour sans bouger. Mais alors, je serais en train de nier ce que je suis venu chercher : l’adrénaline du moment où debout, au milieu de toutes ces possibilités, je dois me décider.
On pourrait croire que ce genre de choix est difficile. On pourrait le croire, oui. Après tout, se lancer dans une voie sans savoir ce qui nous y attend, c’est un peu angoissant. Mais ne dit-on pas qu’il faut profiter du voyage et non pas se concentrer sur la destination. Y a-t-il sentiment plus fort que d’agir librement sans conséquences? Car je sais que peu importe où je poserai les pieds, une histoire se créera. Tout ce qu’il me faut pour ça, c’est de poser le pied quelque part.
Conte d’une aventure vers l’est, périple un peu fantastique vers le nord, tragédie romantique au sud, découverte d’un nouveau monde à l’ouest? Le but n’est pas d’arriver quelque part, c’est d’essayer d’y aller. Le but n’est pas de chercher une manière de s’y rendre, c’est de profiter de ce qui nous arrive pendant qu’on marche. Les routes sont infinies, infinies. Mais s’engager dessus, c’est faire la promesse tacite que nous ne nous soucions pas d’où elles nous mènent.
Parce qu’une chose est certaine. Une fois que j’ai mis le pied dans une des directions proposées, il n’est plus question de faire marche arrière. Aveuglément, je dois faire confiance à mon instinct, je dois avoir confiance en moi. Et pour m’épauler, je verrai des compagnons de route me rejoindre tout au long de cette avancée. Des embûches vont peut-être nous tomber dessus, des surprises, des nouveautés… bref, des imprévus! Mais cela fait partie du plaisir à découvrir une nouvelle route.
Parfois, une route pourrait ressembler à un chemin déjà emprunté. Mon défi sera alors de ne pas essayer de répéter le passé. Car le passé est mort et ce qu’il en ressortira, ce ne sera jamais la même chose que ce que j’ai déjà pu expérimenter. Il est dangereux d’emprunter une voie dont on connaît les recoins car ceux qui nous accompagnent n’ont pas la même connaissance de la route et risquent de troubler notre souvenir, nous enjoignant ainsi à freiner pour leur expliquer qu’ils ne voient pas les choses comme il faut. Emprunter une route du passé parce qu’elle offre un certain confort est une erreur. Même si j’ai déjà arpenté un sentier, il aura changé. De la poussière s’y sera accumulé, des gens y auront déplacé des cailloux et là où je penserai pouvoir marcher les yeux fermés, je risquerai de tomber dans un trou que vous n’aviez pas anticipé. Car le but du jeu est de ne jamais anticiper.
Au final, plus rien ne compte si ce n’est de vivre à fond ces quelques minutes où je parcours un nouveau segment de ma vie. Il sera tantôt plus court, tantôt plus long. Mais il sera merveilleux si je m’y abandonne complètement. Car il ne s’agit que de ça. Les grands philosophes le disent constamment, le bonheur réside dans le fait de vivre le moment présent. Etre obnubilé par ce qui se trouve à la fin du chemin, c’est comme vivre en attendant sa mort. Car nous savons tous que c’est elle qui viendra ponctuer nos exploits. Pour éviter ce fatalisme, pour éviter de passer à côté de tout ce qui pourrait bien aller, la solution est là, sous nos yeux. Rester dans le présent, c’est LA manière d’affronter ces routes infinies qui s’offrent à nous.
Peu importera le sentier que nous emprunterons. Faisons-le selon une intuition, selon une envie ou sans raison. Montons sur la route comme monte un improvisateur sur la patinoire (la scène). Abandonnons-nous sans savoir ce qui va arriver, ce qui va ressortir. Et pour que le trajet se passe bien, vivons chaque chose en son temps. L’anticipation est l’ennemie du laisser-aller. Or le lâcher-prise nous fera gagner des années de vie.
Enfin, si vous décidez de prendre la route, choisissez bien ceux qui seront à vos côtés. Car ce seront eux qui vous rattraperont quand la voiture sera au bout du précipice, ce seront eux qui vous porteront et qui vous retiendront. Pour autant qu’il y ait de la confiance, n’importe qui pourra rentrer dans la voiture que vous avez prise pour vous engager vers le sud ou vers l’ouest. Mais retenez une chose. Avant de monter en voiture, il est primordial d’avoir confiance en soi. Aucun passager ne pourra conduire votre voiture à votre place. Il est donc essentiel que vous sachiez que vous êtes capable de manœuvrer le véhicule dans lequel vous êtes. Ce n’est pas une supposition. Vous en êtes capable! Tout le monde peut avancer sur la route, tout le monde ! Si ce n’est pas en voiture, ce sera à pied. Si pas à pied ce sera en chaise roulante ou à vélo. Tout le monde peut vivre l’aventure. Mais pour cela, la première étape est de se lever et la seconde de choisir une direction.
Le carrefour de l’improvisation ressemble fortement aux carrefours de nos vies. Nous pouvons tout réfléchir, tout chercher à contrôler. Mais en faisant ainsi, nous nous privons du plaisir de profiter de ce que l’imprévu peut nous apporter. Au carrefour de nos décisions, rares sont celles que l’on peut totalement maîtriser. Car en fin de compte, il y aura toujours des données inconnues qui viendront pointer le bout de leur nez. Et si improviser vous fait peur dans la vie de tous les jours… improvisez sur scène avant de le faire au carrefour de vos existences!